Je ne vais pas refaire tout l’historique autour de cet album. Je dirai juste que je pense qu’il a sauvé la vie d’Ozzy, qui était alors au fond du trou et que certaines paroles sur ces compositions ne sont pas aussi innocentes qu’elles paraissent. Alors je vais juste me concentrer sur l’essentiel : la musique.

Randy Rhoads fut vraiment une belle découverte pour Ozzy. Le jeune homme possédait un jeu de guitare flamboyant et inventif et surtout, les deux hommes s’entendaient bien. La musique qu’ils ont créée a vieilli, forcément. Nous sommes en 1980 et certains sons de claviers (assurés par Don Airey) ne sont plus d’actualité, mais il serait injuste de rétrograder "Blizzard Of Ozz" pour cette raison. Parce que ce disque, c’est un classique instantané du Heavy Metal et l’une des plus belles résurrections qui soit. Quand BLACK SABBATH publiait un "Heaven And Hell" cathartique, Ozzy lui se faisait un nom de façon magistrale.

L’album contient son lot de pépites, à commencer par les deux titres introductifs, qui permettent d’apprécier le sens du riff incisif de Rhoads et ses qualités de soliste, d’une fluidité exemplaire. On parlera de l’école Eddie Van Halen, mais le jeune Randy possède une patte qui lui est propre, un sens de la mélodie qui se reconnaît immédiatement. "I Don’t Know" a tout du classique immédiat, mais "Crazy Train", c’est du Heavy Metal en mode tubesque, avec une mélodie à se damner. S'il ne devait rester dans les mémoires qu'un seul morceau du Prince des Ténèbres en solo, ce serait celui-ci ! Quant à la prestation d’Ozzy sur ce titre, elle est grandiose. Difficile de croire qu’il s’agit du même Ozzy qui était complètement au bout du rouleau sur "Never Say Die!".

Le point d’orgue (!) de l’album est très certainement ce "Mr Crowley" à l’ambiance sombre, sur lequel Ozzy est comme possédé. Un véritable chef d’œuvre où encore une fois Randy s’illustre de bien belle façon. Vous rajoutez à cela un "Goodbye To Romance" tout en délicatesse (cette guitare acoustique!) et un épique "Revelation (Mother Earth)" qui propose l’un des soli parmi les plus infernaux de la galette et la messe pourrait être dite. Sauf que cela laisse quatre morceaux que je n’ai pas évoqué.

"No Bone Movies" est le titre le plus faible de l’album, mais il possède malgré tout un refrain entêtant et musicalement, il sonne un peu plus teenagers tandis que "Steal Away (The Night)" contient de bons riffs, un solo bien placé et des couplets très entraînants, ce qui manque peut-être à son refrain. En revanche, "Suicide Solution" est un titre à réhabiliter d’urgence. Lourd, oppressant, avec un Ozzy complètement désabusé dessus… Assurément, ce n’est pas un titre facile, avec un sujet qui ne l’est pas moins (et nettement mieux traité en cette année 1980 que l’odieux "Don’t Try Suicide" de QUEEN qui m’en donne des envies justement).

Quant à "Dee", certains diront que l’exercice acoustique est inutile sur une aussi courte durée, je trouve ce petit intermède particulièrement savoureux et charmant (le mot est lâché !) et il permet de savourer la technique de Rhoads, qui avait composé ce petit morceau pour sa mère. En fait, même les titres qui ne sont pas cités habituellement comme étant des incontournables proposent de bonnes choses, des moments où ils deviennent presque grands alors qu’ils ne restent que très bons. Il n’y a rien à jeter sur ce disque, qui s’affirme comme un excellent album très rapidement et qui s’impose comme un classique du genre.

L’expérience ne fait pas tout. Il faut également savoir s’entourer et ça, Ozzy l’a très bien fait. Essayez toujours de privilégier la version d’origine, avec Lee Kerslake à la batterie et Bob Daisley à la basse, plutôt que le remaster de 2002 avec Trujillo et Bordin, qui étaient la section rythmique du Madman à ce moment-là (Osbourne refusera toujours que les parties de Randy soient retouchées). Le son sera plus daté, certes, mais il sera plus authentique. Vous vivrez les intentions premières d’Ozzy, l’album tel qu’il fut conçu à l’époque.