Je dois vous avouer que mon aplomb d’élitiste autoproclamé, qui n’écoute principalement que des styles décriés ou subversifs, n'est qu’un rideau de fumée pas plus épais qu’une feuille de cigarette. En effet, bien que j’eus fait mes armes sur les groupes les plus consensuels de l’univers (comme tout le monde(*)), mon cheminement métallistique a pris quelques raccourcis pour bifurquer rapidement vers de l’extrême, passant totalement à côté de groupes pourtant fédérateurs et trônant en haut des line-ups de festoches. MASTODON en fait partie.

Je devine les regards noirs et désapprobateurs de mes collègues NIMiens au-dessus de mon épaule à mesure que j’écris ces lignes, et je crois voir au loin Monsieur Kanji écrire frénétiquement en majuscules ce que je devine être un "LICENCIEMENT POUR FAUTE GRAVE". Mais mieux vaut tard que jamais : avant de traverser la rue pour m’inscrire à France Travail, je me lance dans la disco, c’est décidé.

Mais non, pas LE disco à paillettes et pattes d’eph, bordel ! Faut tout vous expliquer.

Sur le papier, la fusion des styles propre à MASTODON ne m’aguiche guère. Je craignais même de devoir prendre pas mal sur moi pour produire un avis nuancé ou tout du moins respectueux du travail du quatuor devenu très récemment un trio, mais bon sang que ce "Remission" est instinctivement MASSIF ! Les Géorgiens arrivent à produire une ambivalence lent/rapide dans laquelle réside tout le sel de la galette : la puissance des riffs donne une impression de lourdeur pachydermique à leur musique, déboulant pourtant les uns après les autres sans que notre cerveau ne puisse tout assimiler d’un coup. "Crusher Destroyer" n’est ainsi que l’arbre qui cache la forêt, pour mieux introduire "March Of The Fire Ants", titre aussi fascinant que redoutable d’efficacité.

Le combo fait preuve d’une extrême polyvalence, et sur tous les terrains. Qu’il s’agisse de l’imagerie (l’artwork est aussi sublime qu’il est simple), des paroles (des plus lapidaires sur "Ol’e Nessie" aux plus élaborées sur "Workhorse"), ou du chant sur le fil d’un scream débridé de Sanders me rappelant très fortement un certain Derrick Green (SEPULTURA), MASTODON est dichotomique et semble en jouer pour produire une musique authentique et foutrement alambiquée, surtout pour un debut album, faut-il le rappeler !

La liberté prise sur le mixage est également un élément déroutant, mais devenant presque astucieux dans la construction de la signature sonore une fois que l’on a compris la ritournelle. Les guitares, saturées à l’excès, ajoutent encore davantage d’agressivité à un ensemble déjà très touffu (même l’acoustique sur "Trilobite" crachouille !).

Enfin et pour conclure, MASTODON semble avoir trouvé dès son premier album une recette qui fera mouche : un titre d’intro monstrueux qui nous fait sauter dans le grand bassin en position de bombe sans s’être mouillé la nuque, et en contrepoint (littéralement, aussi bien musicalement que dans la disposition des titres), une outro longue et instrumentale ("Elephant Man"), afin de décompresser de cette intensité soutenue tout du long de la généreuse cinquantaine de minutes offerte… Et ça fonctionne parfaitement sur moi.

Une discoGRAPHIE qui débute sur les chapeaux de roue. La barre est placée très (déjà trop ?) haute. Oui, je me suis déjà un peu spoilé la suite, je l’avoue.

Morceaux préférés : "March Of The Fire Ants", "Workhorse", "Burning Man".

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(*) On trouvera toujours un rigolo affirmant qu’il s’est directement essayé à du RECTAL SMEGMA et qui a tout de suite adoré, avant même d’avoir décroché ses posters des 2BE3. Poseur.