- “Comment ça, on ne peut pas coller une KroX en sélection, ça sort d’où ce dogme moisi ?”
- “La vie est faite de règles, mon petit Kol, même si elles t’apparaissent rigides et absurdes, elles concourent à maintenir l’ordre dans la galaxie”, me suis-je vu répondre sèchement par les grands chefs à plumes de NiME.
- “Même pour le dernier ORANSSI PAZUZU, zêtes certains les gars ? Parce que les normes, eux, ils s’en carrent globalement bien le cul, des normes, et puis le Metal n’est-il pas un art se sublimant dans la transgression ?”
- “Ouais, mais au fait, où en est la discographie de RUSSIAN CIRCLES que t’as commencé y’a un an, mec ?”
- “...”
La vie de chroniqueur est vraiment trop injuste…

Si Mike Patton (FNM, BUNGLE & Co.) avait décidé d’écrire du Black Metal, sans doute que cela ressemblerait à ORANSSI PAZUZU, barré, inclassable, iconoclaste. Sans limite. "Mestarin Kynsi" m’avait déjà mis une belle claque, apportant un vent de fraîcheur et de nouveauté dans un style qui sait autant me séduire que me rebuter, mais il se montrait un chouya trop expérimental pour moi. L’expérience était dérangeante, dissonante, la musique du diable, mais pas celui de pacotille qui orne les pochettes de Metal, celui qui vient vous violer et dépecer dans vos rêves. Mais rêviez-vous vraiment ? Quoi qu’il en soit, cet opus était plus un moment à vivre que de la musique à écouter, n’y revenant que par petites touches parcimonieuses, si qualitatives soient elles.

"Muuntautuja" conserve la substance de son prédécesseur, son âme damnée, ses sacrifices de poulets, mais les morceaux sont construits de façon plus accessible. Alors bien évidemment, les Finlandais conservent cette aura faite de couches superposées, en mode fortement Indus pour le coup ("Bioalkemistri"), intégrant de manière plus flagrante les claviers et effets de manche. Ils gardent ces choeurs (si l’on puis s’exprimer ainsi) hantés en fond de mix ("Ikikäârme"), ce chant Black râpeux sorti de la glotte de Lucifer en personne, ces notes incommodantes saupoudrées à dessein, ces envolées de batterie bruitistes pour conclure les méfaits soniques, tout ce que l’on aime chez eux est bien présent sur cet album.

Mais il y a quelque chose de plus, d’addictif, que ce soit une ligne de basse hypnotique et inquiétante ("Hautatuuli") ou des arrangements sortis d’un film d’horreur ("Valotus" et ses claviers noyés dans une brume de son et de reverbe). "Muuntautuja" contient de véritables chansons, une atmosphère permanente (l'angoissant title-track !), du relief, du génie, de l’originalité, et se doit d’être dégusté d’une traite, si vous ne craignez pas d’ouvrir un Altar sous vos pieds. Ne restez pas seuls, on ne sait jamais.

Flippant, mais brillant. Sans doute mon album de Black de l’année 2024, sur le fil !