À force de ne chroniquer que du Heavy les lecteurs de Nightfall vont croire que je n’écoute que de ça. Mais non, ce n’est pas le cas, loin de là même. Si je ne suis pas un grand amateur de Death Metal je ne suis pas pour autant profane en la matière et j’apprécie plus d’un album du genre tant que ce n’est pas trop extrême (enlevez-moi immédiatement DEMILICH de vos platines, ce chant ce n’est pas possible). Il s’avère aussi que la musique électronique a été un des premiers genres musicaux à susciter mon intérêt avant qu’Eddie the ‘Ead ne me prenne dans ses griffes. Il allait donc de soi que je m’intéresse à ce nouvel album de BLOOD INCANTATION, eux qui avait déjà su capter mon intention avec son "Hidden History Of The Human Race".

Mais alors là, la proposition que nous font les Américains avec "Absolute Elsewhere"… Mamma mia ! Que cet album est bon ! Et pourtant, ce n’était pas gagné d’avance : leur "Timewave Zero" 100 % électronique était loin d’être une grande réussite, un EP correct mais pas franchement passionnant, se rapprochant plus des œuvres les plus ennuyeuses de TANGERINE DREAM qu’autre chose. Sauf qu’en bons perfectionnistes qu’ils sont les gars de BLOOD INCANTATION ont admis qu’ils avaient besoin d’être entourés de claviéristes plus compétents qu’eux pour vraiment créer une musique à la hauteur de leurs ambitions. D’où le featuring de Thorsten Quaeschning, celui qui, justement, incarne actuellement TANGERINE DREAM depuis le décès de Froese, qui a tout loisir de s’exprimer sur "The Stargate (tablet II)", mais surtout, et l’on n’en parle pas assez, la présence essentielle de Nicklas Malmqvist d’HÄLLAS sur tous les titres ! Quoi de mieux que d’aller recruter le claviériste du meilleur groupe de Prog du moment ? Les deux groupes partageant une passion évidente pour les univers cosmiques.

Autre preuve évidente de bon goût : l’album est produit par Arthur Rizk, désormais une véritable référence lui aussi. D’ailleurs écoutez donc ce terrible riff qui introduit la troisième tablette de "The Message" ? Ca ne sonne pas terriblement Heavy ça ? Et oui, BLOOD INCANTATION se fait plus accessible, c’est indéniable, ainsi ce n’est pas un hasard si l’album me plaît tant. Mais que dire aussi de la fantastique première tablette de "The Stargate" ? Le titre démarre tel un maelstrom qui nous aspire totalement, sans échappatoire, pendant exactement 2min30, avant que nous puissions enfin respirer dans une nouvelle dimension électronique, un peu psyché. La transition est juste parfaite !

Et c’est ainsi sur tout l’album. BLOOD INCANTATION alterne les registres et les ambiances avec un talent insolent (et les influences, vous l’avez entendu vous aussi le petit passage à la GOJIRA ?). Si on prenait de façon isolée les parties les plus électroniques et psyché celles-ci pourraient ne pas paraître particulièrement extraordinaire (mais tout de même très qualitatives, et parfois surpassant ses inspirations, comme le "In Search Of Ancient Gods" de 1976, obscur projet électronique de Bill Bruford dénommé… ABSOLUTE ELSEWHERE), mais ce n’est pas ainsi qu’il faut les considérer. Elles s’incluent dans un tout, dans un socle réellement Death Metal, et c’est cet ensemble qui fonctionne parfaitement. BLOOD INCANTATION impose une identité très forte, le tout est plus que la somme de ses parties.

BLOOD INCANTATION peut vraiment se targuer d’avoir réalisé un chef d’œuvre comme peu en sont capables. On plane, on voyage dans l’espace intersidéral, on ressent le vide du cosmos et son immensité, et on se pose des questions existentielles. L’envolée instrumentale finale est fantastique, définitive. Un album à écouter le soir car seuls le silence et les ténèbres de la nuit peuvent faire suite à une telle expérience immersive.