Les membres de SAVATAGE sont plutôt occupés une fois la tournée de promotion de "Dead Winter Dead" terminée. En effet, la quasi-totalité de ses membres est embauchée dans le TRANS-SIBERIAN ORCHESTRA, l'autre projet mené de front par SAVATAGE. Hors, il se trouve que le succès du TRANS-SIBERIAN ORCHESTRA est loin de se démentir bien au contraire, augmentant de façon tellement exponentielle que Paul O'Neill monte deux troupes en parallèle afin de parvenir à étancher un peu la demande de concerts grandissante à travers les USA. C'est une sorte de camouflet pour Jon Oliva, car le succès du TRANS-SIBERIAN ORCHESTRA, même s'il ne doit pas être minoré, est parti d'une ré-adapatation de "Christmas Eve / Sarajevo 12/24" extraite de "Dead Winter Dead".

C'est à ce moment-là que SAVATAGE va passer au second plan. Et ça hélas on l'entend un peu sur "The Wake Of Magellan" qui demeure néanmoins un successeur rassurant à "Dead Winter Dead", la masse d'éléments symphoniques ayant quasi disparu pour laisser place au Heavy ! Cet album reste toujours ardemment défendu sur scène par Zak Stevens avec CIRCLE II CIRCLE à l'heure actuelle. Il n'est pas moins théâtral, plus que son prédécesseur d'ailleurs ("Paragons Of Innocence").

D'ailleurs à l'époque, les medias Metal sont divisés ; certains ont adoré le virage pseudo Prog Symphonique de "Dead Winter Dead", et d'autres regrettent au contraire ce Heavy un poil théâtral mais plus Metal pratiqué à l'époque de "Streets". "The Wake Of Magellan" essaie un peu de concilier le meilleur des deux mondes. Là où "Poets And Madmen" reviendra plus franchement au style de "Streets" (bien appuyé par le retour intégral de Jon au chant), "The Wake Of Magellan" parvient, sans crever le plafond hélas, à satisfaire à peu près tout le monde. En théorie du moins. Car la mode est au Neo et au Power. SAVATAGE est un groupe déjà un peu has-been en 1997, une de ces formations qui ont une déjà longue carrière, mais pas une aura particulière, la façon qu'a eu le groupe de montrer parfois de remarquables bonds en avant d'album en album n'ayant sûrement pas aidé.

"The Wake Of Magellan" est l'album qui essaie de ne pas flinguer la popularité du groupe, entachée par "Dead Winter Dead" qui montrait un SAVATAGE se confondant stylistiquement avec le TSO. Malgré quelques coups d'éclat, le groupe, au sommet de sa popularité entre 91 et 95 est en déclin. Mais le talent ne l'a pas déserté néanmoins.

Si ce dixième opus des Floridiens n'est pas des plus accessibles, ce n'est pas tant à cause de son concept, qui une nouvelle fois s'inspire de faits réels, de deux histoires que Paul O'Neill s'amuse à entremêler pour créer sa propre trame. C'est que cet album est long et incroyablement riche, affichant une écriture décomplexée, touchant parfois à l'excellence ("Paragons Of Innocence" rehaussé du chant inquiétant de Jon Oliva, "The Wake Of Magellan", "Underture" et bien sûr "The Hourglass") quand elle parvient à allier l'aspect Metal à la luxuriance des arrangements.

Après l'album le plus difficile à appréhender, SAVATAGE nous donne son opus le plus difficile à décrypter depuis "Streets". Surtout que fait rare, la deuxième moitié de l'album est clairement meilleure que la première. Le groupe lui-même a toujours aimé qualifier sa musique de progressive à partir de "Dead Winter Dead" mais le seul album à l'être vraiment c'est "The Wake Of Magellan", tous les autres se contentant d'un Heavy particulièrement porté sur les arrangements.

Le talent de Jeff Plate (METAL CHURCH), qui a repris les baguettes en 95, est ici exploité à fond, et sa frappe, moins brutale que celle du Doctor Killdrums, mais plus technique, sert parfaitement ces compositions tortueuses. Mais plus généralement, tous les musiciens sont à leur top niveau sur "The Wake Of Magellan" (Al Pitrelli sur "The Storm"), et mention spéciale à Zak Stevens qui n'a jamais aussi bien chanté que sur ce disque, évoquant bien souvent sa performance étincelante de "Handful Of Rain". C'est d'ailleurs le disque le plus vocal du groupe si je puis dire, l'utilisation de vocaux en contrepoint se systématisant (un peu trop d'ailleurs à mon avis). Mais aussi le plus technique.

S'il bénéficie d'une position peu enviable dans la disco du groupe, accordez-lui de votre temps, car SAVATAGE s'est ici bien appliqué pour délivrer un album parfois décousu, mais arrivé à un stade de perfectionnement qu'il ne sera plus en mesure de parfaire.