"Binaural" est le premier album qui m'a réellement déçu de PEARL JAM. C'est à partir de "Binaural" que je me suis complètement désintéressé du groupe, qui va enchaîner les albums routiniers, avec une inspiration souvent en berne (voir le pathétique "Riot Act", son successeur éponyme et "Backspacer") et quelques sursauts ("Lightning Bolt", "Dark Matter"). C'est à partir de "Binaural" que PEARL JAM va inlassablement faire toujours la même chose.

Oh bien sur, le virage de PEARL JAM opéré à partir de "No Code", il m'a fallu du temps pour m'y faire. Je me revois encore, en 1996, me jetant sur le nouveau single de PEARL JAM à sa sortie, "Who You Are"... la cruelle déception... Passer de "Alive", "Indifference", "Immortality" à... "Who You Are"... la misère ! Heureusement que le second titre présent sur le single, "Habit", était nettement plus attractif. PEARL JAM avait été profondément marqué par son expérience avec Neil Young sur l'album "Mirror Ball" en 1995 : terminés les débuts de PEARL JAM matinés de hard rock sur "Ten", Eddie Vedder n'a pas oublié les remarques acerbes de Kurt Cobain, lequel critiquait PEARL JAM, estimant que ce n'était pas un vrai groupe de grunge. Eddie Vedder restera très sensible à ces remarques. En réponse, et après le décès de Kurt Cobain, PEARL JAM va simplifier son propos, encrasser son jeu et surtout, prendra un malin plaisir à continuer de patauger dans les eaux boueuses Youngiennes. Et "Binaural" illustre très bien cette déconvenue ("Rival", "Light Years"...).

"Yield", plus calme, était le dernier album de PEARL JAM à réellement apporter quelque chose, en terme d'inspirations, de mélodies, tout en bénéficiant d'une excellente production pour ne rien gâcher. Tout le contraire de "Binaural" qui est pénalisé par une production tellement terne, plate... les soucis rencontrés pendant l'enregistrement avec Tchad Blake s'entendent vraiment sur le disque. Que tout cela sonne bâclé ! La production de Brendan O'Brien sur "Yield" fourmillait de détails sonores, si bien que l'on pouvait redécouvrir l'album à chaque écoute, là où sur "Binaural", on en fait assez vite le tour hélas.

Autre problème avec "Binaural" : l'arrivée de Matt Cameron à la batterie, qui adopte un jeu binaire, mou et passe-partout, manquant cruellement de dynamique et de personnalité... des parties de batterie vraiment ennuyeuses, à mille lieux de l'inventivité de Dave Abbruzzese sur "Vs" et "Vitalogy", à mille lieux de la frappe Bonhamienne de Jack Irons sur "No Code" et "Yield". Matt Cameron chez PEARL JAM, c'est un peu comme Robert Trujillo chez METALLICA : ils étaient tellement meilleurs dans leurs groupes d'origine ! Alors oui, pour toutes ces raisons, "Binaural" m'avait vraiment déçu.

"Binaural" est un album moyen... ce qui signifie que je garde une certaine affection pour ce disque, pour ses bons côtés. Je préfère à présent ne retenir que les bons côtés de "Binaural" :
- un propos plus direct, avec plusieurs titres plus rentre-dedans (plus nombreux que sur "Yield"). Même si, parmi ces titres plus agressifs, seuls "Breakerfall" et "Insignifiance" sont réellement réussis.
- un propos plus sombre également, que j'apprécie beaucoup sur plusieurs titres comme "Slight Of Hand" sur lequel on se croirait vraiment de retour à la période "Down On The Upside" de SOUNDGARDEN. Sans oublier l'imposant "Nothing As It Seems", l'acoustique "Of The Girl" et le final "Parting Ways".

De nombreux albums live de PEARL JAM ont suivi la sortie de "Binaural", dans un but affiché de contrer les bootlegs. Par exemple, le très bon double live "Bercy - Paris, France 08/6/00" est doté d'un excellent son, puissant, qui permet de revaloriser "Binaural". Non pas de rendre "Binaural" meilleur (il reste un album moyen !), mais ce live permet de remettre en avant les meilleurs moments de "Binaural", de les magnifier en quelque sorte. On a donc droit sur ce live de la tournée "Binaural" à un Matt Cameron explosif, bien plus convaincant que son jeu désespérément basique sur album... c'est vraiment le jour et la nuit ! Avec un Matt Cameron inspiré, et un groupe, PEARL JAM, toujours aussi impliqué, cela donne lieu à d'excellentes versions live, pour les moments forts de "Binaural" : écoutez donc cette version dantesque et planante de "Nothing As It Seems" (on y entend plusieurs personnes dans le public hurler de joie !), ou ces versions explosives de "Breakerfall" et "Insignifiance", évoquant l'agressivité de l'ère "Vitalogy" !